TEXAF BILEMBO

Eugenia VELIS

Eugenia VELIS

Biographie

Eugenia Velis a vécu à Mexico jusqu’à l’âge de vingt ans. Après avoir étudié le design industriel et la photographie, elle est partie à Bruxelles pour compléter sa formation par le dessin. Elle est arrivée au Congo il y a huit ans. Après un séjour à Lubumbashi, elle et son conjoint se sont installés à Kinshasa.

Interview par Martin van de Belen (Extrait) paru dans le magazine Look’in N°6

“Tu as créé un personnage de squelette habillé que tu exposes dans des lieux publics, là où tu vas. Comment est née cette idée ?

L’idée m’est venue quand j’ai entendu pour la première fois que les Congolais disaient que nous, les blancs, nous sentions la mort. Pour moi, ce n’était pas tellement l’odeur qui rappelle la mort mais la manière dont on vit dans ce pays, étrangers à la vraie vie congolaise, en côtoyant des milliers de personnes tous les jours, souvent enfermés dans nos voitures pour ne pas être embêtés, sans même croiser un regard ou échanger un mot. Petit à petit, le besoin de retrouver une identité m’a poussée à créer ce personnage issu de la mythologie mexicaine, appelé la Catrina, imaginé par l’artiste mexicain Posada en 1912. Il voulait se moquer des personnes d’origine indigène ayant accédé à la richesse ou à des fonctions importantes, qui copiaient les modes et usages européens, délaissant et méprisant leurs origines et les coutumes locales.

Comment interpréter la Catrina dans ton oeuvre ?

Cette femme mexicaine est entrée dans mon dessin pour répondre à un besoin d”‘autocritique ou d’introspection, alors que mon adaptation au Congo ne se passait pas bien. La nécessité de prendre distance par rapport aux événements ne pouvait mieux se matérialiser que par sa présence. J’ai mis alors en scène ce squelette de femme mexicaine fragile et complexée dans des expériences et émotions que je vivais au Congo. Il n’y a pas d’interprétation juste de la présence de la Catrina. Pas de jugement de valeur. Elle peut être noire ou blanche, riche ou pauvre, locale ou expatriée, heureuse ou pas? Elle peut représenter l’être maladroit qui singe l’autre ou au contraire celui qui veut s’intégrer. Elle nous amène à la nécessité de s’interroger sur soi et l’autre, sur nos différences, sur le besoin de s’identifier ou au contraire de se fondre? Seules comptent les émotions qu’elle suscite.

Quelle a été la réaction des Kinois face à la Catrina ?

Ce squelette ne laisse personne indifférent. Il repousse, il intrigue? On le critique, l’explique, le justifie… Bref, il dérange. Le plus surprenant est l’interprétation que chacun fait entre l’histoire originale de la Catrina et sa propre expérience ; certains s’attachant à l’histoire de la colonie, aux similitudes entre les cultures mexicaine et congolaise, à la difficulté d’être une femme dans ces sociétés ou encore à celle de s’intégrer sans perdre son identité.

La Catrina en papier mâché est intervenue beaucoup plus tard. Pourquoi cette évolution ?

Lorsque j’ai découvert les sapeurs, j’ai senti que la Catrina devait être là pour fêter la journée internationale de la sape au cimetière de la Gombe. Finalement, n’est-elle pas une sapeuse à la mexicaine, avec sans doute des émotions très proches de celles de ses frères du Congo ? Alors j’ai créé ce personnage en papier mâché et j’ai trouvé un groupe de sapeurs, entre autres Sisi Malto, qui l’a tout de suite adoptée. Il lui a montré sa maison, sa famille. Ces sapeurs l’ont promenée dans la rue et l’ont habillée selon leur mode. J’ai pu ainsi partager avec elle leur quotidien de la cité. Les réactions des gens ont été très diverses. Curieux, certains voulaient la toucher, d’autres pensaient que c’était de la sorcellerie et courraient se cacher. Cette impression a petit à petit changé quand Catrina a été invitée à participer à une émission de télé locale. Les Kinois ont commencé à la reconnaître dans la rue et à crier de loin « Eeeh, Katerina ! ». A ce moment, j’ai décidé de rebaptiser le personnage en Katerina pour terminer son intégration.

Quelle est ta vision de Kin ?

J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de similitudes entre le Mexique et le Congo. Nous avons tous été colonisés et, par la force des choses, nous sommes « assimilés » et avons adopté certaines habitudes importées. La joie, l’envie de chanter et de danser malgré les difficultés à surmonter sont pareilles. Kinshasa est une ville qui m’a beaucoup marquée. Une fois que tu as vécu à Kin, rien ne peut plus être comme avant. Elle te pousse au bout de tes limites, te confronte de manière plus évidente à la nature de l’être humain. Les meilleurs et les pires côtés de nous peuvent ressortir ici. C’est une dualité toujours présente. Ce n’est pas une ville qui s’ouvre facilement au visiteur. Kinshasa se mérite ! Ce que j’aime évidemment le plus ici ce sont les Kinois. J’ai le sentiment qu’ils partagent avec moi la primauté de l’émotion et de l’instinct sur le rationnel.”

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